La Bataille des Açores (22 au 27 juillet 1582)


Galion Espagnol
Vila Franca do Campo 


Egalement appelée Bataille de Vila Franca do Campo (île de São Miguel), où se sont affrontés, pour la première fois lors d'une bataille navale, des galions français et espagnols puissamment armés.
Elle a lieu dans le contexte de la succession au trône du Portugal (1580) et de son invasion par l'armée espagnole de Philippe II.
Vont combattre, face à l'île de São Miguel, l'armada espagnole commandée par Alvaro de Bazan, marquis de Santa Cruz, et Philippe Strozzi, parent des Médicis, bombardé, pour l'occasion, Amiral de l'expédition corsaire française.

Historique des faits :




Catherine de Médicis
Henri III

- 1581, visées sur le trône du Portugal de Catherine de Médicis et de son fils, le roi de France Henri III, pour couper court à l'appétit hégémonique de Philippe II d'Espagne.


Philippe II d'Espagne
           

- 1582, les relations avec l'Espagne sont au plus bas. La France soutient Dom Antonio, Prieur de Crato (Ordre de Malte), surnommé le " Combattant" , bien  déterminé à rétablir l'indépendance du Portugal durant sa crise de succession.
Philippe II d'Espagne et Dom Antonio sont cousins germains. Ce dernier, brièvement proclamé roi de Portugal, n'ayant régné qu'un mois et un jour entre juillet et août 1580, en est chassé et est accueilli par la Cour de France.
En cette année 1582, il sollicite donc d'Henri III une aide militaire française afin de reconquérir les Açores qui lui sont restées fidèles, à l'exception des Îles de São Miguel et Santa Maria.
Catherine de Médicis décide alors d'équiper une flotte de corsaires chargée de le débarquer aux Açores, un des postes stratégiques sur la route du Brésil et des Indes Orientales.
Les instructions sont claires : Ne débarquer que là où les Espagnols sont en faible nombre! On plantera ensuite la bannière française à Madère et au Cap Vert. Après quoi on visera le Brésil. Le désir inavoué de la Reine : y installer un vice-roi.
Philippe Strozzi, cousin du Roi de France, homme de guerre confirmé, est chargé de l'expédition. Toutefois, aucun mandat officiel ne lui est attribué (les conséquences seront terribles, comme nous le verrons par la suite). Il sera secondé par Charles de Cossé, duc de Brissac, chargé de constituer la flotte française.

Les préparatifs de la flotte française

Sont regroupées pas moins de 60 voiles appartenant à des armateurs privés pour la plupart, à des capitaines (dont certains sont des anciens négriers) rompus aux voyages au long cours, et à des terre-neuvas.
Les navires sont armés depuis les ports de Honfleur, de Rouen et du Havre. Les équipages, composés essentiellement de contingents de volontaires (parmi lesquels huguenots français, hollandais, anglais et portugais) et de compagnies d'infanterie. On parle d'une levée de 5000 hommes, dont la moitié sera tuée ou faite prisonnière. 

ERREUR FATALE POUR UNE BATAILLE NAVALE ? Strozzi n'est pas marin aguerri .

Belle-Isle-en Mer
Archipel des Açores
L'armement est fourni essentiellement par les Arsenaux de la Marine. Le regroupement de la flotte avant le départ a lieu à Belle Île en Mer, d'où elle appareille le 15 juin 1582 pour les Açores. 
Un mois de traversée que ralentit le navire amiral "Le Saint-Pierre". Dom Antonio est à bord du" Saint Jean-Baptiste".
Qu'emporte la flotte ? Des milliers de pains-biscuits, lard, vin, cidre, fèves et beurre. Toutefois, quelques cas de scorbut à déplorer. Une partie de la flotte fait relâche à Madère.

Parmi ces marins français, citons-en deux : 

- Jacques Oin, portier de l'Abbaye de Jumièges (Normandie), Maître du navire la "Marie" : environ 160 tonneaux, 50 hommes d'équipage et 4 pièces d'artillerie. Brissac la ramènera en France à l'issue de la défaite, Oin sera porté disparu à l'issue de la bataille.

- Noël Le Grain, Normand également, pilote de "l'Aventureuse", petite barque de 20/30 tonneaux, 12 hommes d'équipage. On retrouve sa trace en 1583 à Terre-Neuve ; la bataille des Açores ne fût pas son tombeau.

L'Armada Espagnole


Commandée par Alvaro de Bazan y Guzman, marquis de Santa Cruz, 28 navires dépêchés en hâte depuis Lisbonne.













Déroulement de la bataille.

Le 16 juillet l'escadre française s'assemble devant São Miguel où débarque une partie des troupes. Pillage de la bourgade de Lagoa, escarmouches avec une petite garnison espagnole.
Le 18 juillet, devant Vila Franca do Campo, capture d'une corvette espagnole venue annoncer aux autorités de Ponta Delgada l'arrivée imminente de la flotte de l'Amiral Santa Cruz.
Le 22 juillet, Strozzi fait abandonner le siège du Fort São Bras à Ponta Delgada et rembarque ses troupes. Arrivée de la flotte de Santa Cruz devant Vila Franca do Campo.
Du 23 au 25 juillet, manœuvres d'intimidation de la part des deux unités navales entre les Iles de Santa Maria et São Miguel  -nul ne sait trop quelle tactique adopter-. Le 24, le Roi Dom Antonio, conseillé par les hauts officiers de son commandement, part pour l'île de Terceira à bord d'une frégate portant l'étendard royal.
Le 26 juillet, Strozzi met ses navires et ses troupes en ordre de bataille. Une quinzaine de bateaux français est au combat sur les soixante dont il dispose. En effet, il est lâché très vite par certains de ses capitaines (soudoyés par les espagnols) et se bat seul, aidé de Brissac, dont le navire finit aussi par sombrer. Il s'empare toutefois d'un navire de la flotte espagnole, le San Matéo. Cependant Strozzi doit céder sous le nombre, grièvement blessé lors du combat, il est transporté à bord du" San Martin", navire amiral de la flotte espagnole où un soldat lui enfonce son épée dans le ventre. Le Marquis de Santa Cruz le dédaigne, et c'est mourant qu'il sera jeté à la mer sur ordre de ce dernier ou pendu selon divers récits .

Cette défaite tourne cependant au désastre. Plus de 1500 morts dans les rangs français, contre plusieurs centaines chez leurs ennemis espagnols. Fuite du reste de la flotte française sur les îles de Faial et Terceira.
Les prisonniers, seigneurs de haut rang, gentilshommes et matelots, plusieurs centaines au total, non porteurs du mandat officiel du Roi de France, sont tout d'abord promenés dans les rues de Vila Franca do Campo, puis enfermés quelques jours dans une église, sans eau, sans soin, ni nourriture. Ils sont ensuite jugés comme de simples et vulgaires pirates et voués à la mort par pendaison, décapitation, voire "égozillés" (égorgés selon l’étymologie historique).

Épilogue.

Les épaves, réchappées de cette défaite, réapparaissent les unes après les autres sur les côtes françaises, certaines à la dérive, chargées parfois de cadavres encore en état de putréfaction. 

- Dom Antonio (1531 Lisbonne -1595 Paris) échoue dans sa tentative de voir son autorité rétablie sur l'ensemble des Açores. Une seconde expédition, elle-même sans succès, suivra en 1583 sur l’Île de Terceira.








En 1590, cette fois-ci avec l'aide de Francis Drake, célèbre corsaire anglais surnommé "el Dragon" par les espagnols, il échouera dans sa troisième tentative à reconquérir les Açores et par là-même sa couronne.

Dom Antonio, abandonnant tout projet royal, logera ensuite à Beauvoir sur Mer, chez Françoise de Rohan, Dame de la Garnache, et en Bretagne. Il meurt à Paris en 1595.





- Philippe Strozzi, (Florence 1541 - 26 juillet 1582 Vila Franca do Campo) Seigneur de Bressuire, "Celui qui aurait pu nous doter du Brésil" (La Roncière).













Château de Brissac (Anjou)
- Charles II de Cossé-Brissac (1550 - 1621), au retour de sa campagne Açoréenne, deviendra Gouverneur du Château d'Angers en 1585.






- Alvaro de Bazan, Marquis de Santa Cruz, à cette époque le plus brillant Amiral de Philippe II, fait "Grand d'Espagne", "Capitaine de la mer océane", Chevalier de l'Ordre de Malte, mort à Lisbonne en 1588.

                                            ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


Château d'Angers
Je me suis évertué avec délice à réécrire cette page de l'Histoire commune entre les Açores et la France.
Le personnage qui me fût le plus familier est le Duc de Brissac, sans doute à cause de mon adolescence vécue à Angers, les fenêtres de la maison familiale donnant sur les remparts et les jardins du Château.

J'ai sillonné la campagne angevine à vélo, traversant à maintes reprises les vignes du Château de Brissac.

Esop 

Sources : Michel Le Bris - "D'or, de rêves et de sang" (l'épopée de la flibuste)
               Carlos Melo Bento - "Histoire des Açores"
               Laurent Quevilly - "Nos marins des Açores" (sur internet)


Recherches et Textes : Esop
Mise en page et photos : May

Aucun commentaire: